T’étais là. Immobile. Devant ton dressing. A te demander ce que tu allais bien pouvoir te mettre. T’savais pas comment t’devais te présenter. De façon décontracter, vie de tous les jours ? Ou plus formel et carré. T’en savais tellement rien. T’avais tellement pas envie d’y aller. Mais te voilà obligée. Oui obligée. Si ta mère aurait pu le surligner, souligner, mettre en gras, écriture fois quarante ce fameux mot « obligatoire ». T’es sûre qu’elle l’aurait fait. Ta meilleure amie avait réussis à te convaincre que cela pouvait être drôle. Tu soupirais. T’avais vraiment aucune idée. Ta p’tite voix appela celle qui a toujours su te conseiller au mieux. Mieux que ta propre mère. Bien trop aveuglé par sa jalousie envers toi. « je me mets quoi à ton avis ma belle ? ». Elle regarde aussi ton dressing. Puis finalement. « sois toi-même beauté ! ». Ok. Si t’es toi-même. C’est short en jean. Débardeur laissant apercevoir ton soutien-gorge. Une paire de bottine comme chaussure. Une veste/chemise par-dessus. Une queue de cheval, coiffé/décoiffé. Un maquillage léger et naturel. Et t’es toi-même. « t’es parfaite sara ! ». Tu lui fais un baiser sur la joue. Ton téléphone sonne. Tu regardes. Un message de ton jumeau. Te priant de tout son être de ne pas oublier et de venir. Et il rajoute une nouvelle fois l’adresse et le nom. C’est bon t’as compris. Si là t’avais pas compris que t’devais venir. Tu l’aurais plus compris. T’as un peu de chemin à faire. T’te déplace pas en voiture. Déjà t’as pas de voiture. Et surtout t’as pas le permis. Cinq fois passé. Cinq fois loupé. Ouais pas douée. Trop prudente. Trop de réflexe que cela en devient dangereux. Tu t’es vraiment sentie minable ce jour-là. Et au bout de la cinquième fois t’as su que tu ne l’aurais jamais. Tu grimpes sur les genoux de Lou. Assis sur le canapé. « souhaites moi bonne chance ! ». Il t’offre un baiser sur ta joue. « ça va aller ma belle ! file avant de te faire engueuler parce que t’es en retard ! ». Tu ris et tu t’en vas. Tu le seras toute façon.

T’as ton skate sous les pieds. Ses roulettes qui te conduisent vers ta nouvelle « famille ». C’est ainsi que ta mère le qualifie. Quand tu l’avais eu au téléphone toute heureuse, pour te dire de venir dîner. T’avais dit non. Non catégorique. Mais à force de persuasion t’avais fini par céder. Qu’elle te dit, mais faut bien que tu fasses connaissances avec ton nouveau frère et ta nouvelle sœur. Bien sûr maman. J’arrive tout de suite. Pas que t’étais contre ni rien. T’avais juste envie de la faire chier. Et t’savais qu’elle était heureuse. Et elle avait tout fait pour te séparer de ton jumeau. Elle l’avait eu lui. Mais pas toi. Et toi t’avais perdue une p’tite part de toi à cause d’elle. Alors la faire chier cela te fait grandement plaisir. T’sais qu’elle va détester que t’débarques habillée comme cela. Avec ton skate sous les bras. Elle déteste. Car elle disait que tu montrais un peu trop de partie de toi. Mais t’vois pas le souci toi. Et le skate. Trop garçon. Trop dangereux. T’en avais rien à faire toi. T’avais fait ta propre vie. Et ta propre existence. Elle était juste jalouse de toi. Comme depuis toujours. T’arrives enfin devant leur maison. Tu inspires. Expires. Inspires. Expires. Ton skate sous le bras. Tu t’avances. Tu le poses contre le mur à côté. Et ton p’tit doigt appuie sur la sonnette. Attendant sagement qu’on vienne t’ouvrir.